jeudi 30 juin 2011

Pathologie de la muqueuse buccale

L. Ben Slama

Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale,Hôpital de la Salpêtrière, 45, Bd de l’Hôpital, 75013 Paris.
Tirés à part : L. Ben Slama, Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale, Hôpital Tenon, 4 rue de Chine, 75020 Paris.

CAS No 2

Une jeune fille de 21 ans se présente à la consultation
avec de multiples nodules de 4 à 5 mm de diamètre au
niveau de la pointe et des bords marginaux de la langue
et de la lèvre supérieure, apparus en quelques semaines,
occasionnant une gêne discrète à l’élocution. Le reste de
l’examen clinique est normal, en particulier, il n’y a pas de
lésion cutanée notable. Un bilan biologique réalisé en ville
est normal, incluant une sérologie VIH 1 et 2 négative.
Dans les antécédents, la patiente signale un phéochromocytome
surrénalien diagnostiqué et traité 2 ans auparavant.
Un nodule thyroïdien récemment découvert est en
cours d’exploration

Figure 1 : Multiples nodules de 4 à 5 mm de diamètre au niveau de la
pointe et des bords marginaux de la langue et de la lèvre supérieure.



Figure 2 : Histologie (HES X 25). Epithélium d’aspect normal, les nodules
étant constitués de multiples filets nerveux entourés d’un périnèvre
épaissi.



Réponse

Les nodules observés, de petite taille, sont localisés, circonscrits
et font évoquer d’emblée des tumeurs bénignes.
Les diagnostics évoqués ont été fibromes, verrues, neurofibromes
ou fibro-xanthomes. Les verrues et neurofibromes
paraissaient peu probables en absence de lésions
cutanées associées ou de contexte d’immuno-dépression
pouvant justifier la présence de multiples lésions buccales
à human papilloma virus (hpv).
Cinq nodules de la pointe de la langue ont été enlevés
sous anesthésie locale et adressés à l’anatomopathologiste
(fig. 2). Le compte-rendu note un épithélium
d’aspect normal, les nodules étant constitués de multiples
filets nerveux entourés d’un périnèvre épaissi. Ce caractère
permet d’exclure le diagnostic de névromes solitaires.
Le diagnostic retenu est celui de névromes myéliniques,
évoquant une maladie héréditaire pouvant associer ce
tableau à un cancer médullaire thyroïdien. Lors de la consultation
de contrôle, la patiente confirme ce diagnostic,
aboutissement de l’exploration signalée. Elle est prise en
charge en endocrinologie pour complément de bilan et
traitement.
L’association d’une neurofibromatose de von Reclinghausen
et d’un phéochromocytome est relativement
courante, mais les névromes muqueux multiples sont toujours
associés aux signes cutanés de cette maladie, et la
distribution des lésions muqueuses est différente. L’association
de multiples neurofibromes muqueux à un phéochromcytome
et à un carcinome médullaire thyroïde fait
partie des syndromes des néoplasies endocrines multiples
(« multiple endocrine neoplasia syndrome » ou « MEN
syndrome »). Trois types différents sont actuellement distingués.
Le cas présenté correspond au IIb associant à la
triade décrite une hyperplasie des nerfs cornéens. Habituellement,
les névromes muqueux apparaissent longtemps
avant les pathologies malignes associées dans ces
syndromes, ce qui présente un réel intérêt de dépistage.
L’étio-pathogénie de ces multiples néoplasies endocrines
s’explique par un trouble métabolique survenant lors
de la migration des cellules d’origine neuro-ectodermique
à partir des crêtes neurales, les unes se différenciant en
cellules glandulaires, les autres en tissus nerveux



RÉFÉRENCES
1. Jain S, Watson MA, DeBenedetti MK, Hiraki Y, Moley JF,
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7. Rashid M, Khairi A, Dexter RN, Burzynski NJ, Johnson CC. Mucosal
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multiple endocrine neoplasia. Medicine, 1975;54: 89-112.





Papillomatose buccale



Il s’agit d’un patient de 45 ans qui présentait une papillomatose
buccale étendue au palais et à l’épiglotte qui est complètement
envahie et infiltrée obstruant l’accès à l’orifice glottique
(fig. 1)
.
Après une simple laryngoscopie, la glotte est visualisée avec difficulté
et peut être intubée
(fig. 2).


Pathologie de la muqueuse buccale

L. Ben Slama

Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale,Hôpital de la Salpêtrière, 45, Bd de l’Hôpital, 75013 Paris.
Tirés à part : L. Ben Slama, Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale, Hôpital Tenon, 4 rue de Chine, 75020 Paris.

CAS No 1
Un homme de 34 ans consulte à la demande d’un confrère
hospitalier pour traitement de lésions gingivales évoluant
depuis plusieurs mois, augmentant progressivement
de volume, devenant douloureuses et saignotant lors du
brossage. Le patient a bénéficié deux ans auparavant
d’une greffe rénale ayant entrainé la prise de Mycophénolate
mofétil (Cellcept® 750 mg/j), Prednisone (Cortancyl®
10 mg/j) et Ciclosporine (Néoral® 150 mg/j). L’examen clinique
confirme la présence d’une hypertrophie gingivale
localisée dans le seul secteur antérieur des maxillaires.
Celle-ci est par endroits inflammatoire, associée à la présence
de plaque dentaire.


Quel est votre diagnostic ?

Figure 1 : Lésions gingivales évoluant depuis plusieurs mois.

Réponse
Le diagnostic dans ce cas est relativement simple : il s’agit
d’une hypertrophie gingivale liée à la prise de ciclosporine.
Elle atteint essentiellement les papilles inter-dentaires, qui
sont de couleur rose pâle et de consistance ferme. Sa fréquence
est variable, de 15 à 80 %. Elle apparaît 3 à
4 mois après le début du traitement, mais parfois plus tôt
ou beaucoup plus tard, avec une intensité dépendante de
la dose. La mauvaise hygiène bucco-dentaire joue un rôle
important.
L’hypertrophie gingivale se caractérise histologiquement
par une hyperplasie du tissu conjonctif et des vaisseaux et
l’association d’une fibrose et d’infiltrats inflammatoires
lympho-plasmocytaires.
Il n’y a pas lieu de réaliser une biopsie préalable, la confirmation
histologique pouvant être apportée lors de l’examen
de la pièce d’exérèse.
Dans ce cas précis, le traitement a consisté d’abord en
l’élimination mécanique de la plaque dentaire, suivie de
deux cures d’azithromycine (Zithromax® 250 mb, 2 cps/j
pendant 3 j, arrêt une semaine puis reprise selon le même
mode, hors AMM). Ceci a entraîné une réduction de près
de 50 % de l’hypertrophie gingivale. En raison de la gêne
fonctionnelle et esthétique, une gingivectomie au bistouri
électrique a été réalisée sur le volume excédentaire résiduel.
La récidive étant inéluctable si la ciclosporine est continuée
à la même posologie, une recommandation de diminution
de la posologie avec suppléance par d’autres
immunodépresseurs, dans la mesure du possible, a été
faite au prescripteur. Le patient a été incité à une hygiène
plus rigoureuse.




RÉFÉRENCES
1. Doutre MS. Ciclosporine. Ann Dermatol Venereol, 2002;129:
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2. Salard D, Parriaux N, Derancourt C, Aubin F, Bresson-Hadni S,
Miguet J-P, Laurent R. Manifestations dermatologiques chez les
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3. Rateitschak-Plüss EM, Hefti A, Lörtscher R, Thiel G. Initial observation
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4. Pisanty S, Rahamim E, Ben-Ezra D, Shoshan S. Prolonged systemic
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5. Daly CG. Resolution of cyclosporin A (CsA)-induced gingival
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6. Seymour RA, Smith DG. The effect of a plaque control programme
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gingival changes. J Clin Periodontol, 1991;18:107-11.





Ostéonécrose des maxillaires chez des patients traités par bisphosphonates

S.Abi Najm1, S. Lysitsa1
J.-P. Carrel1, P. Lesclous2
T.Lombardi1, J.Samson


Summary

Bisphosphonates-related jaw osteonecrosis
Introduction The latest generations of bisphosphonates constitute
a major advance in the management of disorders including Paget’s
disease, osteoporosis, and osteolytic bone tumors. Recent reports
describe numerous cases of osteonecrosis of the jaw in patients
treated with bisphosphonates. Some of these reports mention
predisposing factors, including surgical procedures, chemotherapy,
and radiotherapy.
Cases In the past 12 months, we have observed and treated 9 cases
of maxillary osteonecrosis, which we present summarily.
Discussion Some of our cases (3 of 9), like many of those described
in literature, do not present predisposing factors. The osteonecrosis
may thus be due mainly to the effect of bisphosphonates that, by
blocking bone remodeling, may cause excessive bone
mineralization. If this hypothesis is confirmed, these cases of
osteonecrosis may be due to excess doses. Better dose adjustment
should thus help prevent this complication.

S. Abi Najm, S. Lysitsa, J.-P. Carrel,
P. Lesclous, T. Lombardi, J. Samson
Presse Med 2005; 34: 1073-7
© 2005, Masson, Paris

Résumé

Introduction Les bisphosphonates de dernières générations
constituent un progrès important dans la prise en charge de
certaines affections: maladie de Paget, ostéoporose et tumeurs
osseuses ostéolytiques. Plusieurs cas d’ostéonécrose des maxillaires
viennent d’être rapportés chez des patients sous bisphosphonates.
Des facteurs favorisants ont été évoqués: intervention chirurgicale,
chimiothérapie, radiothérapie, etc.
Observations En 12 mois, 9 cas d’ostéonécrose des maxillaires ont
été observés et traités; ils sont présentés de façon synoptique.
Discussion Comme dans la littérature, dans plusieurs des cas
rapportés (3 sur 9), on ne trouve aucun facteur favorisant. On peut
donc se demander si l’ostéonécrose ne serait pas principalement
due à l’effet des bisphosphonates qui, en bloquant le remodelage
osseux, entraînerait une minéralisation excessive de l’os. Si cette
hypothèse se confirmait, l’ostéonécrose résulterait d’un surdosage
et une meilleure adaptation de la posologie devrait permettre
d’éviter cette complication

Les bisphosphonates sont des analogues structuraux
des pyrophosphates inorganiques, principalement
prescrits pour inhiber l’activité des ostéoclastes.
Selon que le radical contient ou non un atome
d’azote, on distingue 2 formes de bisphosphonates: les
bisphosphonates sans groupe amine (clodronate, étidronate,
tiludronate, etc.) et les aminobisphosphonates
(pamidronate, risédronate, alendronate, ibandronate,
zolédronate, etc.) qui représentent les produits de dernières
générations1.Tous les bisphosphonates commercialisés
ne sont pas métabolisés.
Les aminobisphosphonates ont de multiples actions:
• après avoir adhéré à l’hydroxyapatite de la trame
osseuse minérale, ils sont absorbés sélectivement par
les ostéoclastes, ce qui aurait pour effet d’induire leur
apoptose2;
• ils ont une action anti-tumorale propre3;
• ils ont une action anti-inflammatoire en inhibant
certaines cytokines4;
• ils ont une action anti-angiogénique5.
En 3 décennies, les indications des bisphosphonates
se sont progressivement élargies: après avoir été initialement
utilisés dans la maladie osseuse de Paget, ils
sont actuellement prescrits pour le traitement et la
prévention de l’ostéoporose6,7, pour le traitement de
l’hypercalcémie maligne et des tumeurs osseuses
d’origine hématologique ou métastatique8,9 qui s’accompagnent
d’une ostéolyse, et plus récemment pour

le traitement de la nécrose aseptique de la hanche10,
du syndrome Sapho4, etc. Ils contribuent à traiter les
symptômes liés à ces différentes affections et ils sont
souvent prescrits au long cours, surtout en carcinologie.
L’ostéonécrose des maxillaires, secondaire à la
prise de bisphosphonates, est une complication
décrite récemment dans la littérature11-17.
En 12 mois, 9 cas d’ostéonécrose ont été découverts
dans la division de stomatologie, de chirurgie orale et
radiologie dento-maxillo-faciale de la Faculté de Médecine
de Genève.
Observations
Le premier patient (cas n°1) avait une ostéonécrose
maxillaire, secondaire à la prise de bisphosphonates.
Venu consulter pour une infection d’origine dentaire,
le tableau clinique s’est avéré atypique et l’os alvéolaire
périradiculaire semblait nécrosé. Après extraction
des 2 dents causales qui étaient les seules dents
maxillaires restantes, l’évolution n’a pas été favorable
et on a observé une exposition osseuse s’étendant
progressivement. Elle a nécessité la réalisation d’une
maxillectomie subtotale; l’examen histopathologique
a confirmé le diagnostic d’ostéonécrose.
En 12 mois, 8 autres cas ont été observés.
Ces 9 patients étaient 3 hommes et 6 femmes dont
l’âge était compris entre 45 et 85 ans (âge moyen
73 ans) (tableau 1). Les bisphosphonates ont été
prescrits pour le traitement des affections suivantes:
myélome multiple, cancer du sein, adénocarcinome
prostatique, ostéoporose. Dans ces 9 cas, on a observé
12 foyers d’ostéonécrose dont les localisations étaient
les suivantes : 7 atteintes mandibulaires (dont une
double localisation), 3 maxillaires et 1 bimaxillaire.
Cinq foyers d’ostéonécrose sont apparus après une
extraction dentaire, 1 après ablation d’implants dentaires
et 6 spontanément.
Cliniquement, l’atteinte osseuse ressemblait plus à
une ostéoradionécrose qu’à une ostéomyélite: exposition
osseuse, spontanée ou provoquée, le plus souvent
après extraction dentaire, sans aucune tendance
à guérir spontanément car le séquestre ne se détache
pas et l’atteinte osseuse semble s’étendre (figure 1).


Le bilan radiologique comporte systématiquement un
orthopantomogramme (figure 2), parfois un examen
tomodensitométrique (figure 3), une scintigraphie
osseuse (figure 4).
Dans chaque cas, l’examen histopathologique a
confirmé le diagnostic de nécrose osseuse; aucune
cellule tumorale n’a été observée (figure 5) lorsque
le traitement avait été prescrit pour une tumeur
maligne.
Dans tous les cas, on a réalisé une séquestrectomie
après une antibiothérapie (amoxicilline 750 mg 3xj-1
et métronidazole 250 mg 3xj-1) de 7 à 10 jours en
moyenne, temps nécessaire pour obtenir une cicatrisation
muqueuse suffisante.
Commentaires
Les bisphosphonates, molécules utilisées depuis les
années 1970, constituent un progrès thérapeutique
important pour le traitement de la maladie de Paget18,
de l’ostéoporose6,7 et des tumeurs osseuses ostéolytiques
8,9. Ils réduisent de façon importante (de 20 à
60 % selon les auteurs) la fréquence des manifestations
liées à l’atteinte osseuse, en diminuant les douleurs,
les fractures pathologiques, les compressions
radiculaires ou médullaires et les épisodes d’hypercalcémie
8. Leurs indications sont de plus en plus
vastes et on estime que 2,5 millions de patients ont
été traités par pamidronate et zolédronate depuis leur
mise sur le marché19.
La Food and Drug Administration (FDA) a donné l’autorisation
de mise sur le marché (AMM) au pamidronate
en 1994, pour le zolédronate en 2001; en France,
les AMM ont été obtenues quelques mois plus tard.
Les maxillaires semblent les seules structures
osseuses touchées; ceci pourrait s’expliquer par une
continuité de la muqueuse de recouvrement qui mettrait
en relation l’os avec le milieu septique de la
cavité buccale.
Le développement de l’ostéonécrose survenait après
un acte chirurgical, le plus souvent une extraction
dentaire, ou de façon apparemment spontanée. Le
traitement proposé dépend de la localisation des
lésions et de leur dimension.
Aucun cas n’a été traité par oxygénothérapie hyperbare
dont l’efficacité semble aléatoire14,16.
Les limites du séquestre sont difficiles à évaluer car
l’os “sain” périphérique apparaît très remanié et peu
vascularisé; si la séquestrectomie est insuffisante, l’exposition
osseuse persiste ou récidive. Sauf contre-indications
d’ordre général, il n’y a aucune raison de laisser
évoluer un foyer d’ostéonécrose.

Figure 1 Ostéonécrose dans la région maxillaire antérieure (cas n° 1) : exposition
osseuse qui s’est étendue progressivement après l’extraction de deux dents restantes
et ayant nécessité la réalisation d’une maxillectomie subtotale.

Figure 2 Orthopantomogramme (cas n° 2) : perte spontanée de la deuxième molaire
inférieure avec exposition progressive de la table interne de la mandibule.



Figure 3 Examen tomodensitométrique (cas n° 3) : lyse osseuse dans la région
de la première molaire supérieure droite 6 mois après l’extraction, accompagné
d’une sinusite chronique homolatérale.



Ostéonécrose des maxillaires chez des patients traités
par bisphosphonates



La modification de la posologie des bisphosphonates
après l’apparition d’une ostéonécrose ne peut pas avoir
une incidence favorable immédiate sur l’évolution de la
lésion:en effet,les bisphosphonates absorbés n’ayant pas
été métabolisés, ils continuent à agir probablement
encore longtemps après l’arrêt du traitement; à titre
d’exemple, la demi-vie osseuse de l’alendronate varie
entre 1 à 10 ans selon le turn-over osseux20.
La physiopathologie de ces ostéonécroses n’est pas
totalement élucidée et plusieurs hypothèses sont évoquées.
Les bisphosphonates agissent sur les ostéoclastes
et provoquent une diminution du remodelage
osseux, donc une augmentation de la minéralisation
osseuse21 et, secondairement, une diminution de la
vascularisation osseuse comme dans toute affection
ostéo-condensante. L’effet anti-angiogénique, propre
aux aminobisphosphonates (principalement le zolédronate)
5, pourrait participer à la diminution de la
vascularisation. Les ostéonécroses sont donc très certainement
d’origine ischémique et, comme les bisphosphonates
ne sont pas métabolisés, le degré de
minéralisation et d’ischémie est sans doute en rapport
direct avec la dose cumulée.
D’autres facteurs, hormis ceux évoqués ci-dessus, ont
peut être un rôle pour expliquer la localisation exclusive
aux maxillaires. Dans les cas publiés, on trouve
peu de précisions sur les raisons qui ont motivé les
extractions dentaires qui, pour la plupart des auteurs,
auraient déclenché le processus d’ostéonécrose. Le
plus souvent, il semble plutôt s’agir d’un accident
infectieux ou inflammatoire, favorisé par l’ostéonécrose;
dans cette hypothèse, l’extraction dentaire révélerait
l’existence de l’ostéonécrose et elle n’en serait
donc pas la cause directe.
La présence d’une dent avec une atteinte
parodontale – ce qui signifie l’existence
d’une solution de continuité de la
muqueuse – favorise la contamination, à
partir de la flore buccale, de l’os en voie de
nécrose et cette contamination pourrait
même participer à l’apparition et l’extension
du processus de nécrose.
Comme dans la plupart des cas publiés,
le traitement comportait aussi une chimiothérapie
et/ou une radiothérapie ;
certains auteurs en ont déduit que les
bisphosphonates joueraient seulement le
rôle de co-facteur19. Cette hypothèse
étiopathogénique ne permet pas d’expliquer
les cas où on ne retrouve pas cette
association thérapeutique (par exemple,
le troisième et le huitième cas dans notre

Figure 4 Scintigraphie osseuse au Tc 99m (cas 1) montrant plusieurs
foyers hypercaptants. Cet examen ne permet pas de différencier
la nature des foyers : les foyers costaux font suspecter une origine
tumorale, celui du maxillaire correspond à l’inflammation induite
par l’ostéonécrose étendue ; cette inflammation touche même
le sinus maxillaire gauche.

Figure 5 Séquestre osseux d’aspect caractéristique (cas n° 1) : les travées, à bords
irréguliers, présentant un remaniement ostéoclasique sans ostéoclastes ; les logettes
ostéocytaires sont vides et, par endroits, on observe des amas de germes.





série). Il semble que l’ostéonécrose résulte principalement
d’une augmentation excessive de la minéralisation
secondaire à une dose accumulée de bisphosphonates
trop importante. Il serait donc souhaitable
d’entreprendre des investigations complémentaires
pour préciser le mode d’action et la demivie
des bisphosphonates, afin de trouver la posologie
la mieux adaptée pour chaque patient et/ou
pour chaque affection. Enfin, tant que les mécanismes
physiopathologiques de cette ostéonécrose
ne seront pas mieux connus, on ne pourra pas
s’empêcher de faire un parallèle avec l’ostéonécrose
des maxillaires due à la toxicité du phosphore22.
En attendant ces précisions, avant de prescrire des bisphosphonates,
le patient doit être informé de cette complication
éventuelle et éliminer les facteurs favorisants
potentiels.Les interventions de chirurgie implantaire doivent
être également déconseillées aux sujets en cours de
traitement23 ou ayant été traités récemment. Une mise
en état de la denture (soins d’hygiène et élimination des
foyers infectieux bucco-dentaires, traitement des caries,
contrôle de l’adaptation des prothèses amovibles)
devrait être réalisée systématiquement afin de limiter les
interventions et les soins dentaires pendant le traitement.
Lorsqu’un foyer d’ostéonécrose est apparu, il
semble judicieux de procéder, sans trop tarder, à l’ablation
de l’os nécrosé. C’est la meilleure façon de supprimer
l’exposition osseuse car sa persistance favorise l’infection
et entraîne une augmentation probable de la
taille du séquestre.


Références

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Orbitopathie endocrinienne d’origine thyroïdienne

I. Loeb, S. Medin Rey

Service de Stomatologie et Chirurgie maxillo-faciale (Prof. J. Van Reck), CHU Saint-Pierre, Bruxelles, Belgique.


CAS CLINIQUE

Un patient âgé de 49 ans est admis en urgence pour dyspnée
majeure. À l’examen clinique on observe une
exophtalmie bilatérale importante entravant l’occlusion
palpébrale (figs. 1 et 2). Dans les antécédents on note :
une cardiomyopathie ischémique, une BPCO tabagique,
une hernie hiatale, une kératite herpétique avec ulcère
cornéen, et une hyperthyroïdie diagnostiquée 5 mois plus
tôt et traitée par Strumazol®, 10 mg, 4x/jour.
La biologie à l’admission fait apparaître une hypothyroïdie
sévère (TSH : 67 μU/ml).
Le scanner montre une hypertrophie de l’ensemble des
muscles oculo-moteurs avec infiltration de la graisse
orbitaire (figs. 3 et 4). Malgré l’instauration d’un traitement
visant à corriger l’hypothyroïdie, le patient développe
un oedème papillaire en aggravation rapide avec
perte de l’acuité visuelle ainsi qu’une augmentation de
l’exophtalmie.


Quel est votre traitement ?

Figure 1 : Aspect clinique de la face.

Figure 2 : Aspect clinique de profil.

Figure 3 : Scanner en coupe coronale montrant l’hypertrophie majeure
des muscles droit inférieur, droit interne et droit supérieur, ainsi qu’une
légère hypertrophie de la graisse orbitaire
Figure 4 : Scanner en coupe axiale.


REPONSE

Ce patient présente une orbitopathie endocrinienne d’origine
thyroïdienne.
Ces orbitopathies sont associées à un dysfonctionnement
hormonal et à des perturbations auto-immunitaires
thyroïdiennes. Elles accompagnent habituellement une
hyperthyroïdie mais se rencontrent également en cas
d’hypo- voir même d’euthyroïdie [1, 2].
La survenue éventuelle d’une hypothyroïdie peut être
un facteur aggravant majeur de l’orbitopathie, illustrée
dans le cas clinique. L’orbitopathie évolue au cours du
temps selon un mode « exacerbation/rémission » qui ne
semble pas influencé par le traitement médicamenteux de
l’atteinte thyroïdienne.
Classiquement, le traitement de l’orbitopathie endocrinienne
comporte un volet médical et un volet chirurgical
[3, 4]. Le volet radiothérapique est quant à lui très controversé
dans de récentes études [5]. Le traitement médical
consiste en l’administration par voie systémique de corticoïdes
pendant une durée de 30 à 60 jours, qui apporte le
plus souvent une amélioration significative des symptômes.
L’examen ophtalmologique détermine quant à lui
l’urgence éventuelle d’un acte chirurgical ; compression
du nerf optique au cours d’une phase inflammatoire
aiguë, ulcération cornéenne secondaire à l’exophtalmie…
[6]. Le plus habituellement le traitement chirurgical intervient
au cours de la période stable de l’orbitopathie et vise
à corriger les complications cicatricielles fibreuses. Une
première étape consiste en une décompression orbitaire
osseuse qui corrige l’exophtalmie, l’étape suivante permet
la correction de la mobilité oculaire [7]. Vu la gravité de la
symptomatologie clinique de notre patient, un traitement
à base de corticoïdes par voie systémique à la dose de
1 gr/jour a été instauré mais sans aucune amélioration
significative. Devant la persistance de l’oedème papillaire
et la diminution progressive de l’acuité visuelle, un traitement
chirurgical a été programmé. Une décompression
orbitaire osseuse bilatérale par voie cutanée avec effondrement
du plancher orbitaire ainsi que du mur latérointerne,
associée à une lipectomie a été réalisée. Une
amélioration rapide et très satisfaisante des symptômes a
été observée dans les jours suivants. Le patient a bénéficié
en outre d’une rééquilibration de son traitement thyroïdien.
Habituellement, à long terme, la tendance se fait
vers une réduction et une stabilisation des manifestations
cliniques orbitaires [1].


RÉFÉRENCES
1. Adenis JP, Lasudry J. Orbitopathie dysthyroïdienne. In: Pathologie
orbito-palpébrale. Masson, Paris;1998:455-80.
2. Bartley GB, Fatourechi V, Kadrmas EF, et al. Long term follow up
of Graves’ophtalmopathy in an incidence cohort. Ophtalmology,
1996;103:952-62.
3. Krastinova D. Rodallec A. Orbitopathie Basedowienne. Ann Chir
Plast Esth, 1985;30:351-8.
4. Rougier J, Tessier P, Hervouet F, et al. L’expansion de la cavité
orbitaire. In: Chirurgie plastique orbito-palpébrale. Masson,
Paris ; 1977 :179-89.
5. Gorman CA. Radiotherapy for Graves orbitopathy: results at one
year. Thyroid, 2002;12:251-5.
6. Kazim M, Trokel S, Moore S. Treatment of acute Graves orbitopathy.
Ophtalmology, 1991;98:1443-8.
7. Trokel S, Kazim M, Moore S. Orbital fat removal. Decompression
for Graves orbitopathy. Ophtalmology, 1993;100:674-82



Le´sions pe´ri-apicales multiples en cible

Multiple target-shaped periapical lesions

R.H. Khonsari1*, P. Corre1, J. Bouguila1,2, M. Gayet-Delacroix3, B. Piot

1 Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, centre hospitalier universitaire,
1, place Alexis-Ricordeau, 44000 Nantes, France
2 Service de radiologie, centre hospitalier universitaire, 1, place Alexis-Ricordeau,
44000 Nantes, France
3 Service de radiologie, centre hospitalier re´gional universitaire, 44000 Nantes, France

Une femme caucasienne, de 41 ans, consulte en
chirurgie maxillofaciale sur les conseils de son
dentiste. Elle pre´sente un bombement vestibulaire
ferme et indolore en regard des dents 46–47, de
de´couverte fortuite lors d’une consultation de soins.
Les examens radiologiques montrent de tre`s nombreuses
masses pe´ri-apicales en cible cerne´es d’un haloradiotransparent.
Aucune mobilite´ dentaire n’est retrouve´e. Il
n’existe pas d’hypoesthe´sie dans le territoire du V3. Les
examens biologiques standards sont normaux, y compris
les taux sanguins de phosphore et de calcium. Une biopsie
sous anesthe´sie locale de la re´gion vestibulaire tume´fie´e
pose le diagnostic de le´sion fibro-osseuse sans plus de
pre´cision. La tomodensitome´trie montre des le´sions
mandibulaires pe´ri-apicales multiples pre´dominant
dans les territoires molaires, avec une pre´servation de
l’espace clair ligamentaire sur tout le pe´rime`tre radiculaire
(fig. 1).

Figure 1. A Tomodensitome´trie avec reconstruction tridimensionnelle des maxillaires. Les le´sions pre´dominent dans les territoires molaires. Le maxillaire
supe´rieur est e´pargne´. B, C. Les re´gions molaires mandibulaires droites et gauches portent des le´sions en cible avec halos pathognomoniques.
D. Tomodensitome´trie de la dent 46, montrant la persistance de l’espace pe´riodontal. Aucun contact direct entre la tumeur et l’apex n’est observe´ sur tout
le pe´rime`tre radiculaire. E. Tomodensitome´trie tridimensionnelle de la mandibule montrant des le´sions en 
capuchon des apex molaires.





Quel est votre diagnostic ?


Re´ponse
Les donne´es cliniques, histologiques et radiologiques ame`-
nent a` proposer le diagnostic de dysplasie osseuse, de type
dysplasie ce´mento-ossifiante (DCO). Un suivi clinique exclusif
est de´cide´.
Les le´sions fibro-osseuses des maxillaires regroupent la dysplasie
fibreuse, les fibromes ossifiants (anciennement appele
´s fibromes ce´mento-ossifiants) et les dysplasies osseuses
(ICD-O : 9272/0), dont fait partie la DCO floride.
Le diagnostic diffe´rentiel entre la DCO et le fibrome ossifiant
(ICD-O : 9262/0, 9274/0) est parfois difficile. Dans notre cas,
les donne´es histologiques n’e´taient pas contributives [1] et
des arguments diagnostiques plus solides e´taient fournis par
la clinique – la DCO touche d’abord les femmes d’aˆge muˆr –
et surtout par l’aspect radiologique. En effet, la pre´sentation
radiologique de notre cas – des le´sions pe´ri-apicales multiples
en cible ou coalescentes, entoure´es d’un halo
radiotransparent – est pathognomonique de DCO et est
retrouve´e dans 35 % des cas de cette affection [2]. Cependant,
l’origine caucasienne de la patiente est atypique, la
pathologie touchant pre´fe´rentiellement les patientes originaires
d’Afrique noire.
L’origine de la DCO fait de´bat. Certains auteurs affirment
qu’elle est issue d’une activite´ anormale du ligament pe´riodontal
[3], comme en te´moigne sa localisation quasi exclusive
en zone dente´e [2]. Cependant, la pre´sence de le´sions de
DCO dans des segments e´dente´s de la mandibule est atteste
´e [2]. Cette donne´e permet uniquement d’affirmer que la
DCO persiste apre`s la perte de la dent qui lui e´tait associe´e.
Il est inte´ressant de noter que l’adhe´rence entre la tumeur et
l’apex doit en conse´quence eˆtre faible.
Kawai et al. [2] de´finissent six pre´sentations radiologiques
selon, entre autres crite`res, la conservation de l’espace clair
ligamentaire. Lorsque la le´sion est en continuite´ avec l’apex,
ces auteurs l’attribuent a` une activite´ ligamentaire. En
revanche, s’il existe un halo entre la tumeur et l’apex, Kawai
et al. [2] avancent que l’os me´dullaire serait implique´ dans la
gene`se de la pathologie.
Les classifications successives de l’OMS consacre´es aux
tumeurs de la teˆte et du cou rangent initialement la DCO
dans la cate´gorie des « ne´oplasies et autres tumeurs en lien
avec l’appareil odontoge´nique » [4], puis dans le groupe des
« ne´oplasies et autres tumeurs en lien avec l’os » [5]. La
dernie`re classification de l’OMS la range dans le groupe des
« dysplasies osseuses » et lui attribue une origine ligamentaire
[6].
Dans le cas pre´sente´ ici, l’espace ligamentaire pe´riodontal
des dents affecte´es e´tait pre´serve´ sur tout le pe´rime`tre
radiculaire (fig. 1), ce qui serait en faveur d’une origine
me´dullaire. Il existe en effet des tumeurs extramaxillaires
pouvant produire du ce´ment [7]. La formation de ce´ment par
l’os me´dullaire pe´riapical n’est pas de´montre´e et la persistance
de l’espace ligamentaire pe´riodontal peut eˆtre le
re´sultat d’une migration des ce´mentoblastes vers l’os via
les canaux de Volkmann [2] ou la conse´quence de troubles de
la diffe´rentiation entre oste´o- et ce´mentoblastes.
La production de ce´ment par l’os me´dullaire serait un cas
inte´ressant d’anomalie de signalisation entre oste´oblastes et
ce´mentoblastes. L’e´lucidation des me´canismes a` l’origine de
la DCO permettrait de mieux comprendre l’activite´ physiologique
du ligament pe´riodontal et ses interactions avec les
structures environnantes.


Re´fe´rences
1. MacDonald-Jankowski DS. Fibro-osseous lesions of the face and
jaws. Clin Radiol 2004;59:11–25.
2. Kawai T, Hiranuma H, Kishino M, Jikko A, Sakuda M. Cementoosseous
dysplasia of the jaws in 54 Japanese patients. Oral Surg
Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1999;87:107–14.
3. Summerlin DJ, Tomich CE. Focal cemento-osseous dysplasia: a
clinicopathological study of 221 cases. Oral Surg Oral Med Oral
Pathol Oral Radiol Endod 1994;78:611–20.
4. Pindborg JJ, Kramer IRH, Torloni H. Histological typing of odontogenic
tumors, jaws cysts and allied lesions. Geneva: WHO;
1971.
5. Kramer IRH, Pindborg JJ, Shear M. Histological typing of odontogenic
tumors, 2nd ed., Berlin: Springer Verlag; 1992. pp. 28–31.
6. Slootweg PJ, Osseous dysplasias, In Barnes L, Eveson JW, Reichart
P, Sidransky D, editors. World Health Organization classification
of tumors; pathology and genetics of head and neck
tumours. Lyon: IARC Press; 2005. 323.
7. Friedman NB, Goldman RL. Cementoma of long bones. An
extragnathic odontogenic tumor. Clin Orthop Relat Res
1969;67:243–8.


Lésion blanche de la muqueuse buccale

White plaque of oral mucosa

  S. Trojjet a, I. Zaraaa,∗, I. Chellyb, H. Zribi a, 
M. Moknia, M. Zitounab, A. Ben Osmana

Service de dermatologie, hôpital La Rabta, Jabbari, Baab Saadoun, 1007 Tunis, Tunisie
b Service d’anatomie pathologique, hôpital La Rabta, Tunis, Tunisie
Rec¸u le 15 juillet 2008 ; accepté le 12 septembre 2008
Disponible sur Internet le 16 avril 2009

Observation du cas
Une femme âgée de 68 ans était suivie en stomatologie
depuis plus de 35 ans pour lésions gingivales chroniques. Plusieurs
extractions dentaires avaient été alors pratiquées.
L’anamnèse retrouvait la notion de lésions gingivales blanchâtres
lentement extensives, occasionnant une gêne à
l’alimentation, pour lesquelles elle avait rec¸u des traitements
symptomatiques sans aucune amélioration. La
patiente ne présentait pas d’antécédents pathologiques
notables, en particulier il n’y avait pas de notion de tabagisme.
L’examen de la cavité buccale relevait des lésions
blanchâtres verruqueuses, confluant en plaques à bords irréguliers,
atteignant de fac¸on diffuse la région antérieure de
la gencive inférieure et la face interne de la lèvre inférieure
jusqu’aux prémolaires (Fig. 1). Il n’y avait pas d’infiltration.
La langue et le palais étaient indemnes de toute lésion. Le
reste de l’examen cutanéo-muqueux était normal, en particulier
il n’y avait pas d’adénopathies cervicales.

Figure 1.



Quelles sont vos hypothèses
diagnostiques?


Hypothèses du comité de rédaction

Les hypothèses du comité de rédaction ont été :
• un hamartome spongieux muqueux (white sponge naevus)
;
• une leucokératose acquise traumatique ;
• un lichen plan.

Commentaires

Notre patiente présente des lésions buccales chroniques,
résistantes à tous les traitements proposés. L’examen
retrouvait des plaques blanches à surface irrégulière de la
muqueuse gingivale et du versant muqueux de la lèvre inférieure.
Devant ce tableau clinique, les principaux diagnostics à
évoquer sont les leucokératoses acquises, comme les candidoses,
le lichen plan et les leucoplasies. Mais il n’y avait dans
cette observation aucun argument clinique ou paraclinique
permettant de retenir ces hypothèses.
L’interrogatoire ne retrouvait pas de notion de tabagisme
ou de déficit immunitaire acquis ou congénital et la
patiente rapportait l’échec de multiples traitements antifongiques
locaux et systémiques correctement conduits. Par
ailleurs, le grattage avec l’abaisse langue permettait de
détacher difficilement des grands lambeaux laissant apparaître
une muqueuse saine non érosive, pouvant éliminer une
lésion pseudomembraneuse (celle-ci se détache facilement
et laisse découvrir une érosion) et une leucokératose (qui ne
disparaît pas au grattage). L’examen clinique ne retrouvait
pas d’autres lésions cutanéomuqueuses. Les prélèvements
mycologiques étaient négatifs.
Bien qu’il s’agisse d’une patiente de 68 ans, on peut
également évoquer devant ce tableau les dyskératoses
congénitales et le diagnostic d’hamartome muqueux spongieux
(white sponge naevus) a été retenu, devant l’aspect
histologique, montrant une muqueuse buccale revêtue par
un épithélium malpighien acanthosique, papillomateux,
hyperkératosique avec des images de dyskératose monocellulaire.
Les cellules du corps muqueux étaient clarifiées
Figure 2. Épithelium acanthosique, papillomateux, avec dyskératose.
par un oedème marqué intra- et intercellulaire (Fig. 2).
L’immunofluorescence directe était négative.
La patiente a été traitée par cyclines par voie orale avec
une évolution partiellement favorable au bout de six mois
de traitement (Fig. 3).
Le white sponge naevus est une dyskératose congénitale
bénigne rare, autosomique dominante à pénétrance
et expressivité variable [1]. Il n’y a pas de prédilection
de sexe ni d’ethnie. Elle est causée par les mutations des
gènes exprimant les kératines suprabasales K4 et K13 [2—4].
Quelques cas sporadiques ont été décrits, comme c’est le
cas de notre patiente qui ne rapportait pas de cas familiaux.
Aucun facteur étiologique n’est retrouvé dans ce tableau
(ni traumatique, ni tabagique, ni infectieux). Les poussées
pourraient être déclenchées par la surinfection bactérienne
[5].
La lésion apparaît dès la naissance ou la première
enfance et augmente progressivement de taille jusqu’à
l’adolescence. Notre patiente rapporte une évolution lente,
depuis l’âge de 38 ans. Un début plus précoce est probable
mais méconnu par la patiente.
L’atteinte est souvent diffuse avec des plaques blanches,
à surface irrégulière, de consistance molle [1]. L’épaisseur
et la taille des plaques sont variables d’un sujet à l’autre et
peuvent varier dans le temps chez le même individu. Elles
siègent de préférence sur les muqueuses jugales, la langue,
les vestibules, le palais et le plancher buccal. Les autres
muqueuses (nasale, anale et vaginale) peuvent être affectée
s [1,6]. Il n’y a pas d’atteinte cutanée [1,7].
L’histologie reste un élément clé du diagnostic [7,8]. Elle
montre un épaississement de l’épithélium, une spongiose du
stratum spinosum, un défaut de kératinisation en surface et
une parakératose dans les couches les plus profondes. La
microscopie électronique est contributive dans les cas douteux,
montrant une répartition inégale des tonofilaments
dans le cytoplasme des kératinocytes [1,7].
Les autres dyskératoses congénitales comme la pachyonychie
congénitale (syndrome de Jadassohn-
Lewandowski), la dyskératose congénitale (syndrome
de Zinsser-Cole-Engman), la maladie de Darier peuvent
poser un problème de diagnostic différentiel [8].

Figure 2. Épithelium acanthosique, papillomateux, avec dyskératose.

Figure 3.



L’évolution est chronique sans transformation en carcinome.
Aucun traitement n’est habituellement indiqué,
mais devant le caractère malodorant et l’augmentation de
l’épaisseur de certaines plaques, divers traitements ont été
proposés avec un effet suspensif. Les tétracyclines en bains
de bouche [9,10] ou par voie générale [9] ont prouvé leur
efficacité dans quelques cas au moment des poussés comme
chez notre patiente.
Devant une lésion blanche de la cavité buccale, l’examen
histologique reste un moyen capital pour éliminer une lésion
précancéreuse et poser le diagnostic positif.


Références
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Venereol 2002;129:1069—70.
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of white sponge naevus. Oral Dis 1999;5:321—4.
[3] Terrinoni A, Candi E, Oddi S, Gobello T, Camaione DB, Mazzanti
C, et al. A glutamine insertion in the 1A alpha helical domain
of the keratin 4 gene in a familial case of white sponge naevus.
J Invest Dermatol 2000;114:388—91.
[4] Richard G, De Laurenzi V, Didona B, Bale SJ, Compton JG.
Keratin 13 point mutation underlies the hereditary mucosal
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naevus of the vulva. Int J Gynaecol Obst 1985;23:505—7.
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[8] Vaillant L, Huttenberger B. Diagnostic d’une lésion blanche
de la cavité buccale. Ann Dermatol Venereol 2002;129:
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four cases. Clin Exp Dermatol 2007;32:749—51.